Signalement de discrimination ou harcèlement sexuel : comment bien mener les enquêtes internes ?

Une image illustrant une salariée qui signale un cas de harcèlement ou discrimination sexuelle

Dans une décision-cadre du 5 février 2025, la Défenseure des droits a diffusé ses recommandations afin d’aider les employeurs à bien mener les enquêtes internes qui font suite à des signalements de discrimination ou de harcèlement sexuel.

Vous trouverez dans notre article un résumé de la méthodologie proposée pour conduire ces enquêtes en interne.

Différence entre signalement et alerte​

En tout premier lieu, il est essentiel de distinguer le signalement de l’alerte :

  • Le signalement concerne une situation vécue par une victime visant à faire cesser un comportement fautif.
  • L’alerte est une démarche plus large, effectuée par un lanceur d’alerte, qui dénonce un dysfonctionnement ayant un impact au-delà de sa situation personnelle. Ainsi, un témoin d’une situation de harcèlement ou de discrimination ou une personnelle dénonçant une telle situation peuvent être qualifiés de lanceurs d’alertes.

Principales étapes de l'enquête en cas de signalement

La décision-cadre du 5 février 2025 se concentre sur le signalement et propose comme étapes majeures lors de l’enquête :

  • la mise en place de dispositifs d’écoute et de recueil des signalements,
  • le recueil du signalement,
  • l’ouverture d’une enquête interne,
  • la protection de la victime supposée et, le cas échéant.

Mise en place des dispositifs d'écoute et de recueil des signalements​

Pour garantir leur efficacité, les dispositifs doivent être accessibles et communiqués à tous.

En conséquence de quoi, ces dispositifs doivent être :

  • Accessibles par différents moyens de communication (email, téléphone, rendez-vous physique).
  • Ouverts à toutes les personnes susceptibles de subir de tels faits : candidats, salariés, anciens salariés, intérimaires et stagiaires.
  • Dissociés si possible : une cellule d’écoute distincte du dispositif de signalement.
  • Gérés par des interlocuteurs formés au cadre juridique des discriminations et du harcèlement sexuel.
  • Communiqués à toutes les personnes susceptibles d’être concernées (par exemple, au moyen de l’intranet et des communications internes à l’entreprise).

Recueil des signalements​

Les signalements doivent être gérés avec rapidité et confidentialité.

La décision-cadre recommande notamment :

  • D’accuser réception du signalement
  • De demander, si le salarié en dispose, des éléments probants (témoignages, mails, etc.)
  • De traiter tous les signalements même ceux anonymes

Enquête interne : règles et délais

Une enquête interne doit être lancée si les faits nécessitent des investigations supplémentaires permettant de confirmer ou d’infirmer les actes ayant fait l’objet d’un signalement.


Elle doit débuter le plus rapidement possible et dans un délai ne pouvant excéder deux mois.


Cette enquête interne doit :


  • Se dérouler indépendamment de toute procédure judiciaire en cours (que cette procédure soit civile, pénale, ou administrative)
  • Être lancée peu importe le délai entre les faits signalés et le signalement en lui-même
  • Inclure toutes les parties : la victime, le mis en cause et les témoins pertinents
  • Respecter un cadre impartial et documenter chaque étape.


L’employeur doit réagir immédiatement au premier signalement pour remplir son obligation de sécurité.

Pour rappel, l’obligation de sécurité est une obligation de résultat : l’employeur doit garantir la sécurité de ses salariés.

Protection les personnes concernées

Toujours dans le cadre de son obligation de sécurité, l’employeur doit protéger la victime présumée mais également la personne mise en cause.

Ainsi, il faut que l’employeur tienne compte de l’état de santé physique et psychologique de toutes les personnes impliquées dans l’affaire.

De ce fait, il est recommandé de :

  • Communiquer le plus rapidement possible le contact du médecin du travail à la victime supposée, à la personne mise en cause mais également aux potentiels témoins
  • S’il y a eu arrêt de travail, anticiper le retour de la victime supposée (en échangeant avec elle sur les mesures lui permettant de sentir en sécurité)
  • Séparer la victime et l’auteur présumé dès l’ouverture de l’enquête (l’accord-cadre prévoit par exemple la mise en télétravail, la mise à pied conservatoire de la personne mise en cause…)
  • Rappeler le plus rapidement possible à la victime présumée et aux témoins par écrit l’interdiction des représailles

Conduite de l'enquête

Les bonnes pratiques pour mener une enquête impartiale incluent :

  • La désignation d’au moins deux enquêteurs qualifiés, internes ou externes (par exemple un avocat)
  • La formalisation d’une méthodologie d’enquête avec information du CSE et d’un suivi documentaire pour chaque enquête
  • L’information de l’ouverture d’une enquête à toutes les personnes concernées
  • Le rappel de l’obligation de confidentialité (rappel écrit ainsi qu’une signature d’une attestation de confidentialité par toutes les parties)
  • La convocation et l’audition des parties concernées :
    • De façon obligatoire : la victime présumée, les témoins pertinents qu’ils soient directs ou indirects, les témoins cités par le mis en cause (à l’appréciation des enquêteurs), les responsables hiérarchiques de la victime présumée et de la personne mise en cause et, en dernier, la personne mise en cause.
    • De façon facultative : le médecin du travail, les anciens collègues, les représentants du personnel, l’inspection du travail
  • La retranscription des témoignages avec validation par les personnes auditionnées via un PV d’audition
  • La rédaction d’un rapport d’enquête une fois les auditions terminées (rapport qui sera conservé par l’employeur).

    Ce rapport expose notamment les fait reprochés et leur signalement, les mesures de protections qui ont été mises en place, les différentes étapes de l’enquête en indiquant les difficultés rencontrées (témoignage contradictoire, refus de parler…), les éléments de présomption qui ont été recueillis, les justifications de la personne mise en cause, les propositions de qualification juridique des faits dénoncés, les sanctions proposées.
    La synthèse de ce rapport est par la suite communiquée à la victime présumée.

  • L’information aux parties concernées de la fin de l’enquête

Qualification et sanction des faits

À l’issue de l’enquête, l’employeur doit :

  • Qualifier les faits selon les critères légaux
  • Appliquer des sanctions proportionnées au regard de la gravité des faits
  • Informer la victime des mesures prises
  • Établir un bilan annuel des signalements sans données nominatives aux référents égalité/harcèlement sexuel et aux représentants du personnel

 

 

Vous pouvez consulter la décision-cadre dans son intégralité ici.

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