Inaptitude : maladie professionnelle non reconnue, que faire ?

01.10.2025

La gestion d’un licenciement pour inaptitude est déjà, en soi, un exercice délicat pour l’employeur. La difficulté s’accroît encore lorsque l’inaptitude du salarié est susceptible d’avoir une origine professionnelle. 

Dans ce cas, la loi prévoit un régime protecteur renforcé, notamment en matière d’indemnisation. Mais que se passe-t-il lorsqu’un salarié a formulé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, sans que celle-ci n’ait été retenue par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) ?

Une récente décision de la Cour de cassation (Cass. soc., 10 septembre 2025, n° 24-15017 FS-D) apporte un éclairage utile pour les employeurs confrontés à cette situation.

Rappel : les conditions du licenciement pour inaptitude

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur peut engager une procédure de licenciement, mais uniquement dans trois hypothèses  :

  • impossibilité de proposer un emploi de reclassement adapté aux capacités restantes du salarié ;

  • refus du reclassement proposé par le salarié, que la modification de son contrat soit substantielle ou non ;

  • mention expresse du médecin du travail selon laquelle tout maintien dans l’emploi serait gravement préjudiciable à la santé du salarié ou qu’aucune solution de reclassement n’est possible.

À ce stade, un élément crucial doit être identifié : l’origine de l’inaptitude. En effet, la nature professionnelle ou non professionnelle de l’inaptitude conditionne directement le régime d’indemnisation applicable.

Pour en savoir plus sur la gestion des salariés inaptes, consultez notre fiche pratique sur l’inaptitude.

Une protection renforcée en cas d’inaptitude professionnelle

Lorsqu’une inaptitude est liée à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié bénéficie d’un régime protecteur spécifique :

  • une indemnité compensatrice équivalente à celle du préavis, même si ce dernier ne peut être exécuté ;

  • une indemnité spéciale de licenciement, au moins égale au double de l’indemnité légale de licenciement.

Pour vous aider à calculer l’indemnité légale de licenciement, vous pouvez consulter notre fiche pratique dédiée à ce sujet.

Pour que ces règles protectrices s’appliquent, deux conditions doivent être réunies :

  1. l’inaptitude doit avoir, au moins en partie, pour origine une maladie ou un accident professionnel ;

  2. l’employeur doit avoir eu connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

En pratique, cette seconde condition est centrale : si l’employeur n’a pas été informé du caractère professionnel de la pathologie, il n’est pas tenu d’appliquer le régime protecteur.

L’affaire jugée : une maladie non reconnue comme professionnelle

Dans l’affaire qui nous intéresse, un salarié avait déclaré à la CPAM une maladie professionnelle (hernie discale L5-S1) en octobre 2018. Or, la CPAM a refusé cette reconnaissance en septembre 2019. L’employeur a été informé de ce refus.

Par la suite, le salarié a été déclaré inapte en août 2020 et licencié en octobre 2020 pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement. Contestant son licenciement, il a demandé en justice la requalification en licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, avec toutes les indemnités afférentes.

Son argument principal : l’employeur avait connaissance du caractère professionnel de sa pathologie, puisqu’il avait été informé de sa déclaration initiale à la CPAM. Selon lui, il importait peu que la CPAM ait refusé la reconnaissance : l’important était que l’inaptitude puisse être liée, au moins en partie, à une maladie professionnelle.

La position des juges : absence de preuve de connaissance par l’employeur

La cour d’appel, puis la Cour de cassation, ont rejeté cette argumentation. Elles ont relevé que :

  • l’employeur avait bien été informé de la déclaration initiale, mais aussi du refus de prise en charge par la CPAM ;

  • l’employeur n’avait pas été avisé du recours exercé par le salarié contre cette décision de refus ;

  • les avis du médecin du travail ne faisaient aucune référence à une maladie professionnelle ;

  • les arrêts de travail n’étaient pas produits et ne permettaient pas d’établir un lien avec une pathologie professionnelle.

En conséquence, au moment du licenciement, rien ne permettait d’affirmer que l’employeur avait connaissance d’une origine professionnelle de l’inaptitude. Dès lors, le régime protecteur ne s’appliquait pas, et le licenciement pour inaptitude non professionnelle était valable.

Enseignements pratiques pour les employeurs

Cette décision illustre un point essentiel : la charge de la preuve de l’origine professionnelle de l’inaptitude et de la connaissance par l’employeur incombe au salarié.

Pour les employeurs, plusieurs recommandations se dégagent :

  1. Vérifier l’état des procédures auprès de la CPAM : si une reconnaissance de maladie professionnelle est en cours ou a été actée, il est indispensable d’en tenir compte dans la gestion du dossier.

  2. S’appuyer sur les avis du médecin du travail : en l’absence de mention d’une pathologie professionnelle, la présomption joue plutôt en faveur d’une inaptitude non professionnelle.

  3. Conserver les échanges et décisions officielles : notamment les notifications de la CPAM, qui peuvent démontrer l’absence de reconnaissance.

  4. Ne pas anticiper une origine professionnelle sans décision claire : si la maladie n’a pas été reconnue et qu’aucun élément nouveau n’a été communiqué, l’employeur n’est pas tenu d’appliquer le régime renforcé.

  5. Documenter la procédure de reclassement : comme toujours en matière d’inaptitude, la preuve des recherches et des propositions de reclassement est indispensable.

Conclusion

Le licenciement pour inaptitude est un terrain délicat pour l’employeur, et la question de l’origine de l’inaptitude en est un point de tension majeur. La jurisprudence rappelle que la protection liée à l’inaptitude professionnelle ne s’applique que si l’employeur a eu connaissance effective de cette origine au moment de la rupture.

Dans l’affaire jugée en septembre 2025, l’absence de reconnaissance de la maladie professionnelle, le défaut d’information de l’employeur sur un éventuel recours et l’absence de preuve indiquant que l'employeur avait connaissance de l’origine professionnelle de la maladie ont conduit les juges à valider le licenciement pour inaptitude non professionnelle.

Si vous souhaitez lire la décision de la Cour de cassation, vous pouvez la retrouver sur le site de la Cour de cassation.